Efficacité énergétique : les Certificats d’économies d’énergie, un mécanisme efficace en danger ?

Il y a 9 années 761

Publié le 13 octobre 2014

Créés en 2005, les Certificats d’économies d’énergies (CEE) sont considérés comme un instrument phare de la politique d’efficacité énergétique nationale. Ce dispositif oblige les énergéticiens à mettre en place et à financer des actions d’économies d’énergies proportionnellement au volume de leurs ventes. Ils doivent en justifier par la détention de CEE, sous peine de fortes pénalités. Mais malgré son succès, une partie des acteurs s’inquiètent de son avenir immédiat.

Certificats d’économies d’énergie: de quoi s’agit-il ?

Les CEE ont été créés pour répondre aux obligations de la directive européenne sur l’efficacité énergétique qui demande à la France de réaliser une économie d’énergie de 355TWh (térawatt-heure) d’ici à 2020. Leur objectif est d’inciter les Français, collectivités, administrations et entreprises à réaliser des travaux de rénovation énergétique pour réduire la consommation nationale.

Quel bénéfice a-t-on pu en tirer ?

Depuis 2006, les CEE ont permis de réduire la consommation d’énergie de 150 TWh, ce qui équivaut à la consommation annuelle de 5 millions de Français et à 2,5 milliards d’euros de financement pour les économies d’énergie. C’est un peu moins de la moitié de ce qu’attend l’Europe de nous d’ici à 2020.

Comment ça marche ?

Les pouvoirs publics décident de la quantité d’énergie à économiser sur une période donnée. Cette énergie est calculée en TWh cumac et non en TWh simples. Le terme cumac renvoie au fait que l’énergie économisée grâce aux certificats est calculée sur l’ensemble de la durée de vie des appareils concernés ou de la durée des actions de réduction de la consommation énergétique, avec un taux d’actualisation (rendement décroissant). 1 TWh cumac = 1 Certificat d’économie d’énergie !

En 2006-2009, l’économie globale à réaliser pour la France était de 54 TWh cumac. En 2011-2013, de 345 TWh cumac. Bref, à chaque période, le volume d’économie est largement augmenté. Les vendeurs d’énergies que l’on appelle les "obligés" se voient fixé un volume d’obligations en fonction du volume de leur vente d’énergie (fioul domestique, carburants, GPL, chaleur et froid, électricité, gaz). Et ce, pour une période de trois ans. Dans ce laps de temps, chacun d’eux doit rassembler le nombre de certificats correspondant à son volume d’obligations. En cas de non-respect de leurs obligations, les fournisseurs d’énergie sont passibles d’une pénalité de 20 euros par MWh cumac manquant.

Les principaux acteurs

Selon le rapport de la Cour des comptes d’octobre 2013, près de 70% des CEE délivrés depuis 2006 ont été créés par trois grands opérateurs du secteur de l’énergie: EDF (41%), GDF (19%) et Total (11%). Mais des distributeurs comme Leclerc ou Auchan sont aussi concernés en tant que vendeurs de carburants. Enfin, des sociétés de services en efficacité énergétique gèrent les CEE de certains énergéticiens, distributeurs, maîtres d’œuvre…

Comment obtenir ou fabriquer des CEE ?

Pour obtenir leurs certificats, les obligés peuvent soit réduire leur propre consommation d’énergie, soit acheter des certificats à d’autres acteurs du dispositif ou encore inciter les particuliers, entreprises et collectivités à réaliser des économies d’énergie en leur proposant des primes pour financer leurs actions. Par exemple, EDF propose des conseils, des aides financières et mobilise son réseau de partenaires de la construction et de la rénovation thermique (Bleu ciel). Certains distributeurs offrent des bons d’achat dans leurs magasins. L’association de consommateurs CLCV s’est, elle, associée avec une société (Geo PLC) qui gère les CEE pour des distributeurs et PME, afin de proposer des chèques à ses adhérents (400€ en moyenne).

Les obligés peuvent aussi "fabriquer" des certificats en réalisant des opérations d’économies d’énergie ou en finançant des programmes de maîtrise de la consommation énergétique (formation ou programmes de lutte contre la précarité énergétique par exemple).

Les principaux bénéficiaires

Toujours selon le rapport de la Cour des comptes, c’est le secteur du bâtiment qui a profité du gros du dispositif: à 90% ! Car ce sont surtout les travaux d’isolation et de changement de systèmes de chaleur qui ont séduit les particuliers. En 8 ans, 3,5 millions de Français ont profité du dispositif. Grâce aux CEE, plus de 45 millions de mètres carrés ont été isolés et 2 millions de chaudières hautement performantes installées.

Le secteur industriel, qui aurait pu lui aussi en profiter, n’a pourtant que très peu utilisé le mécanisme (6% des certificats collectés). Tout comme le secteur des transports (moins de 1%). Les raisons ? Méconnaissance du système, importance des investissements et manque de concurrence entre les obligés, avance la Cour des comptes.

Et maintenant ?         

Faute de consensus sur le volume d’obligations à appliquer sur trois ans, 2014 a été une année transitoire, avec un volume de CEE (120 TWh cumac) fixé pour un an seulement. Pour la nouvelle période de trois ans qui doit débuter au 1er janvier 2015 prochain, le ministère de l’Ecologie vient seulement de fixer le volume des obligations à 700 TWh cumac. Un montant un peu plus élevé que celui prévu par le précédent ministre, Philippe Martin, (660 TWh) mais qui ne satisfait pas une partie de la profession. C’est notamment le cas du GPC2E, le Groupement des professionnels des CEE, qui rassemble 80% des acteurs indépendants du dispositif. Le Groupement demandait 900 TWh cumac au minimum, un objectif en ligne avec l’évaluation des gisements technico-économiques d’économie d’énergie pour la troisième période réalisée par l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie).

A l'annonce de la décision ministérielle, le groupement fait mine de s'interroger sur la cohérence des différents objectifs, dont ceux fixés par la loi de programmation pour la transition énergétique et la croissance verrte: "l’objectif donné par la ministre permettra-il d’atteindre les ambitions de la France en matière de réduction de la consommation énergétique et de réduire de façon ambitieuse la facture énergétique de 70 milliards d’euros pesant sur notre balance commerciale ?"

"Si l’on suit le rythme actuel, l’objectif gouvernemental sera atteint en décembre 2016, soit un an avant fin de la période. Or, une fois les objectifs atteints, les obligés ne sont plus incités à financer d’autres travaux destinés à économiser de l’énergie puisqu’il n’y a plus de risque d’amende. Sur les deux premières périodes, cela s’est déjà produit", déplore Hugues Sartre, secrétaire général du GPC2E.

Actualisation le 20 octobre 2014 : Le projet de loi sur la transition énergétique tel que voté par les députés le 14 octobre 2014 élargit la possibilité d’obtenir des CEE aux sociétés publiques locales et prévoit la possibilité de l’élargir aux chargeurs « dès lors qu'ils recourent à des programmes d'optimisation logistique afin de réduire leurs consommations énergétiques et de carburants". Il confirme également la quatrième période des CEE entre le 1er janvier 2018 et le 31 décembre 2020 (article 8). Quant au volume des obligations pour la 3ème période, il fait toujours l’objet de débat. Trente organisations, parmi lesquelles la CFDT, Amorce, Effinergie, Orée, le RAC et la FNH ont écrit à Ségolène Royal pour lui demander de rehausser l’objectif d’économies d’énergie des CEE à 900 TWh cumac.

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