En Australie, faute de rentabilité les opérateurs anticipent la fermeture des centrales à charbon

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Publié le 24 février 2022

L’arrêt de la plus grande centrale électrique du pays a été avancé de sept ans par son opérateur en raison de mauvaises perspectives économiques face à la concurrence des renouvelables. Une transition délicate s’engage car le charbon couvre encore 60 % des besoins en électricité de l’Australie, et que le gouvernement fédéral se refuse à prendre des engagements pour l’avenir.

La centrale à charbon d’Eraring a la capacité de deux gros réacteurs nucléaires français et produit 20 % de l’électricité de l’État de Nouvelle-Galles du Sud (sud-est du pays). Son propriétaire, Origin Energy, a pourtant décidé de la mettre à la retraite dès 2025, au lieu de 2032 prévu initialement. La dernière étape en date d’une série étonnante, qui voit le charbon décliner rapidement sur les réseaux électriques, tandis que l’Australie en reste le deuxième exportateur mondial et ne consent à ce titre qu’à des engagements climat a minima.

En l’espace d’un an, deux autres grands opérateurs ont également annoncé des fermetures anticipées. Energy Australia l’a décidé pour les sites de Yalloun (originellement 2028, 4 ans d’avance) et de Mount Piper (2043, 3 ans), et AGL Energy pour ses centrales de Bayswater (2035, 2 à 5 ans) et Loy Yong A (2048, 3 à 8 ans). Toutes ces décisions sont conditionnées à la mise en place de sources d’approvisionnement alternatives.

Ces infrastructures vieillissantes voient leur rôle évoluer en parallèle de l’expansion des renouvelables. Leur rentabilité se dégrade à mesure qu’elles produisent des volumes plus faibles car elles ne sont sollicitées que dans les moments de creux, à un prix de gros de l’électricité en déclin sur le long terme. Selon une projection du centre de recherche américain Institute for Energy Economics and Financial Analysis, la centrale d’Eraring aurait par exemple tourné à pertes en 2025.

Planification de la transition du système

Cette tendance inquiète le gouvernement australien. Le ministre de l’Énergie Angus Taylor a qualifié le choix d’Origin Energy "d’amèrement regrettable", selon des propos relayés par le Guardian, et ne manque pas de partager ses inquiétudes concernant les risques que chaque nouvelle décision fait peser sur l’approvisionnement en électricité du pays.

La transition énergétique se prépare pourtant dans l’ombre de ces fermetures. La plupart des centrales laisseront place à des batteries géantes, afin de tirer profit des équipements de transmission existants. Une grande partie du pays bénéficie d’un excellent potentiel pour l’éolien et le solaire, dont les filières ne demandent qu’un engagement public pour accélérer encore leur développement. D’après le régulateur du réseau électrique australien (AEMO), les renouvelables pourraient représenter 69 % du mix électrique en 2030 si une politique volontariste se met en place.

Ces fermetures ne suffiront pourtant pas à mener l’Australie vers une trajectoire climatique ambitieuse. L’AEMO a estimé que la date de sortie du charbon compatible avec un scénario 1.5°C serait 2032. Les engagements des fournisseurs font pâle figure face à cet objectif.

Paul Kielwasser

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