Géothermie profonde : une source d’électricité peu recommandable

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Publié le 30 juillet 2015

Produire de l’électricité en allant chercher de la vapeur d’eau à 5 kilomètres sous terre, c’est l'une des pistes suivie par la France pour sa transition énergétique. La création d’un fonds de garantie de 50 millions d’euros, en mars dernier, doit accompagner les industriels dans l’exploration et l’exploitation de forages sur le territoire national. Pourtant, cette géothermie profonde manque d’arguments, tant sur sa rentabilité énergétique que sur son impact environnemental, face à d’autres géothermies qui ont fait leurs preuves.

La France a décidé de se lancer dans le développement de la géothermie profonde pour produire de l’électricité. Autrement dit, faire tourner des turbines grâce à de la vapeur d’eau, récupérée à de très grandes profondeurs (entre 2 et 5 kilomètres). Cette énergie renouvelable serait accessible sur une grande partie du territoire français, selon ses promoteurs.

Les géants français de l’énergie et de la construction ont ainsi créé en juin 2014 le cluster Geodeep. EDF, GDF-Suez, Alstom, Vinci, Eiffage, les spécialistes de l’ingénierie géothermique, les entreprises de forages... tous les maillons de la chaîne se sont réunis pour demander au gouvernement la création d’un fonds de garantie pour assurer leur entreprise industrielle.

La technique dite EGS (Enhanced Geothermal System) développée par l’industrie française depuis le début des années 2000 sur le site pilote de Soultz-sous-Forêts, en Alsace, devrait permettre d’implanter des centrales de cogénération (électricité-chaleur), indépendamment des conditions volcaniques jusqu’à présent nécessaires pour accéder à de l’eau suffisamment chaude.

Un fonds pour indemniser les industriels en cas d’échec

Le 31 mars dernier, le ministère de l’Écologie annonçait la création d’un tel fonds de garantie. Un fonds doté de 50 millions d’euros, financé par l’Ademe (Agence de l'Environnement et de la Maîtrise de l'Énergie) pour 25 millions d'euros, par des opérateurs privés pour 15 millions d'euros, et par la Caisse des dépôts pour 10 millions d'euros. Cet argent servira donc à indemniser les industriels en cas d’échec des forages d’exploration ou d’exploitation.

En parallèle, des permis de recherche sont accordés aux industriels en Alsace, en Auvergne, en Aquitaine, en Rhône-Alpes, en Provence-Alpes-Côte-d’Azur et en Languedoc-Roussillon.

La machine semble donc bien lancée. Mais à y regarder de plus près, la géothermie profonde ou "haute température" (eau à plus de 150°C pour avoir de la vapeur d’eau) semble manquer d’arguments. Promoteurs des énergies renouvelables en général et de la géothermie en particulier, FNE (France Nature Environnement) et le CLER (Comité de Liaison Énergies Renouvelables) dénoncent la faible rentabilité énergétique de ces centrales, pour des coûts économique et environnemental élevés.

La "stimulation" hydraulique

Dans l'Hexagone, la corrélation entre rendement énergétique (et économique) et impact environnemental est mauvaise. Il faut de l’eau très chaude pour obtenir un rendement acceptable, et donc un coût du kWh compétitif par rapport aux autres sources d’électricité renouvelable, comme l’éolien ou le solaire. Il est donc nécessaire d'aller la chercher très loin dans les sous-sols, par fracturation hydraulique.

Le débat nourri au BRGM (bureau de recherches géologiques et minières) pour distinguer cette fracturation de celle des gaz de schiste a permis de lui donner le nom de "stimulation" hydraulique. Tout le monde s’accorde à dire que la technique est moins nocive, car elle utilise beaucoup moins d’eau.

Olivier Gourbinot, de FNE, a suivi le dossier. Il rappelle que cette stimulation nécessite tout de même des fracturations de la roche, des injections de produits chimiques, la mise en réseau de nappes différentes et que, finalement, "au-delà de 3 000 mètres, personne ne semble très bien savoir comment le sous-sol réagit à une fracturation".

Par ailleurs, le rendement énergétique est faible pour la production d’électricité : sur le site pilote de Soultz, le passage du watt thermique au watt électrique a un rendement thermodynamique faible : 1,5 MW par an d’électricité produite pour 13 MW de chaleur extraits. La cogénération doit donc permettre de valoriser aussi la chaleur. Mais les futurs forages et centrales étant plutôt en zones rurales, difficile d’alimenter des réseaux de chaleur urbains.

Autre point noir, le coût. Pour mémoire, le projet pilote de Soultz-sous-Forêts représente 22 années de recherche et 80 millions d'euros d'investissement de fonds publics. Le coût d’une nouvelle installation serait, selon les industriels concernés, d’environ 20 millions d'euros.

Des atouts négligés

La géothermie "haute température" reste pertinente si l’eau chaude n’est pas profonde, en région volcanique en particulier. C’est aussi le cas de la nappe Dogger du bassin parisien (moins de 2 000 mètres), qui est efficace pour alimenter des réseaux de chaleur, mais où l’eau n’est pas assez chaude pour produire de l’électricité.

Les associations écologistes regrettent que certains atouts de la géothermie soient largement sous-valorisés en France. La baisse des installations de pompes à chaleur (géothermie de minime importance, à moins de 100 mètres de profondeur) est drastique : de 20 000 unités en 2008 à 4 000 unités en 2014, selon l’Ademe. "Le potentiel géothermique de la Dominique ou de la Guyane, grâce à l’activité volcanique, aurait pu contribuer depuis longtemps à leur indépendance énergétique", souligne également Joël Vormus, du CLER.

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