Pétrole et gaz en Arctique : à chacun sa définition des frontières pour autoriser les forages

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Publié le 06 octobre 2021

Il n'existe pas de définition officielle des contours de l'Arctique. Si bien que la majorité des banques et des acteurs de la finance ont adopté un périmètre restreint de la région, là où les associations environnementales et de la Conseil Arctique donnent une aire bien plus vaste. L'enjeu est de taille car de cela dépend les zones où l'exploitation pétrolière et gazière est autorisée.

Le paradoxe a de quoi faire bondir. Quelque 20 des 30 principales banques qui financent l’expansion de l’industrie pétrolière et gazière dans l’Arctique ont aussi pris des engagements pour la préserver. De plus en plus d’acteurs du secteur s’engagent à limiter leur soutien aux projets d’exploitations pétroliers et gaziers dans la région, pourtant "les soutiens financiers ne semblent pas diminuer" observe dans un rapport publié le 24 septembre l’ONG Reclaim Finance.

Cette contradiction est due à une absence de délimitation officielle des frontières de l'Arctique. Lorsqu'est évoquée cette région entourant le pôle Nord de la planète, personne ne parle de la même chose. Il peut s’agir de l’océan, de la zone délimitée par le cercle polaire arctique, ou encore la "ligne de Köppen", à partir de laquelle les arbres ne poussent plus. Des dizaines de concepts coexistent qui recoupent des critères écologiques ou humains, chacune pertinente dans une discipline donnée.

Une subtilité qui n’aurait sans doute que peu de répercussions s’il ne s’agissait pas d’une zone stratégique majeure en raison des quantités importantes de pétrole qu’elle abrite. Cela représente environ 13 % des réserves mondiales. Et celles-ci sont de plus en plus accessibles en raison de la fonte accélérée des glaces sous l'effet du réchauffement climatique. Conséquence : un projet pétrolier peut se situer en Arctique pour un acteur, et en dehors pour un autre, en fonction de la définition retenue.

Une "bombe climatique"

Ainsi, BNP Paribas, qui s'est engagée cesser le financement de projet d’exploration dans l’Arctique, définit la zone comme "la région la plus largement couverte de glace sur une période de 12 mois". Or, cette définition ne concerne que 97 des 599 projets actuels ou potentiels répertoriés dans la région, selon les critères plus larges de l'Arctique retenus par l’ONG Reclaim Finance. BNP Paribas a cependant déclaré être en cours de redéfinition de ses critères de délimitation. La zone d’exclusion d’AXA ne recouvre quant à elle que le refuge faunique national de l’Arctique, une aire protégée de 78 000 km2 au nord-est de l’Alaska. Elle ne concerne que 54 des champs pétroliers et gaziers recensés.

"Tous les acteurs financiers limitent le champ d’application de leurs politiques à des sous-parties de l’Arctique. Parmi les 100 banques, investisseurs et assureurs analysés, pas un seul ne s’engage à protéger la région Arctique telle que définie par l’Arctic Monitoring and Assessment Programme (AMAP), la seule entité à prendre en compte des facteurs climatiques et environnementaux", regrette Reclaim Finance, qui s’est appuyée sur cette définition pour établir son rapport.

L’AMAP, groupe de travail du Conseil de l’Arctique chargée de surveiller les changements climatiques et la pollution dans la région, s'appuie sur une définition très large qui regroupe à la fois des critères naturels et humains. Elle l’identifie comme la zone recouvrant huit pays bordant l’océan Arctique : le Canada, le Danemark (avec le Groenland), la Finlande, l’Islande, la Norvège, la Russie, la Suède et les États-Unis (Alaska), avec les aires marines associées, pour une superficie totale d’environ 18 millions de km2.

Reclaim Finance rappelle l'"urgence" à agir et évoque une "bombe climatique". Sur les 599 projets identifiés en Arctique par Reclaim Finance, 222 gisements sont actuellement exploités et 377 sont soit en cours de développement ou identifiés. S’ils étaient tous financés et forés, "ils relâcheraient 88 gigatonnes (Gt) de CO2 pendant leur exploitation", pointe le rapport, soit 22 % du "budget carbone" total à ne pas dépasser afin de limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C.

Pauline Fricot, @PaulineFricot

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