Publié le 11 janvier 2024
Deux jours après sa nomination à Matignon, Gabriel Attal a désigné son gouvernement dans la soirée de jeudi 11 janvier. Concernant l'écologie, Christophe Béchu conserve son ministère de la Transition écologique. En revanche, Agnès Pannier-Runacher, pressentie à la Santé, céderait son ministère de la Transition énergétique à Bercy. Un retour à la configuration d'avant 2007 que beaucoup considèrent comme un recul.
"Et le ministère de la transition énergétique, il a disparu ou j'ai raté une annonce ?", a tweeté Jean-François Julliard, le directeur général de Greenpeace France. C'est un peu la question que tous les spécialistes de l'énergie et plus largement de l'écologie se sont posés à l'issue de l'annonce du gouvernement de Gabriel Attal jeudi 11 janvier en début de soirée : mais où est passée la transition énergétique ?
Lors de la conférence de presse, le secrétaire général de l’Élysée, Alexis Kohler, a ainsi listé les noms et fonctions de 15 ministres, sans faire aucune mention à la transition énergétique, si ce n'est en introduction pour préciser que le Premier ministre sera "chargé de la Planification écologique et énergétique", comme c'était le cas de sa prédécesseuse Élisabeth Borne.
L'énergie de retour à Bercy ?
Selon une information de BFM, l'ancienne ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, serait nommée ministre déléguée à la Santé. Christophe Béchu conserve quant à lui le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires. "Si Agnès Pannier Runacher n’est plus ministre de la transition énergétique c’est probablement parce que l’énergie quitte le ministère de transition écologique pour retourner à Bercy", suppose Maxime Combes, économiste au sein d'Attac. "C’est une mauvaise nouvelle pour le climat et l’écologie. Bye-bye la sobriété ?", interroge-t-il.
Le média Contexte, qui cite une source proche du cabinet de Bruno Le Maire, désigné ministre de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et Numérique, confirme que l'énergie est effectivement rapatriée au sein de Bercy. Un retour à la configuration qui prévalait avant 2007 et l'instauration par Nicolas Sarkozy, à l'issue du Grenelle de l'environnement, d'un super ministère de l'écologie qui rassemblait les différents sujets : énergie, logements, transports, biodiversité…
"Si c'est confirmé, c'est un très mauvais signal", réagit auprès de Novethic Anne Bringault, la directrice des programmes au sein du Réseau action climat. "C'est un recul de 15 ans, s'indigne dans un communiqué le WWF France. Comment le Premier ministre pourra-t-il encore prétendre être en charge de la planification écologique et énergétique alors que ces deux portefeuilles seront à nouveau écartelés entre des ministères et des intérêts opposés ? C'est un très mauvais signal au moment même où des textes importants de programmation doivent être discutés dans les toutes prochaines semaines."
Un "cadeau" à la filière nucléaire
"Le super ministère de l'écologie c'est fini", se désole également Arnaud Gossement, contacté par Novethic. L'avocat spécialiste du droit de l'environnement y voit une façon de répondre favorablement à une demande historique de la filière nucléaire. "C'est un message favorable pour cette industrie dans un contexte de relance du nucléaire. C'est un changement absolument majeur dans la conception que l'État à de l'énergie. Le ministère de la Transition écologique redevient une sorte de ministère de la nature, marginalisé. Il n'y a de toutes façons pas de grand projet écologique pour l'instant", ajoute-t-il.
Dans ce scénario, qui sera confirmé dans les prochains jours avec la publication des arrêtés précisant les périmètres de chacun des ministres, ce serait donc Bruno Le Maire qui serait chargé de représenter la France à Bruxelles ou dans le cadre des négociations internationales sur le climat, à la COP29. Dans ces deux instances, la stratégie du gouvernement a en effet consisté ces derniers mois à faire reconnaître le nucléaire comme énergie décarbonée. Le projet de loi sur la souveraineté énergétique, récemment présenté, fait lui aussi la part belle à l'atome.
"L’interprétation de ce projet de loi est désormais clarifiée par ce changement majeur de l’organisation de l’appareil administratif d’État. La priorité de la production électrique revient au nucléaire et les énergies renouvelables sont ici réduites au 'dernier kilomètre'. C’est le retour à une politique en silos : la nature d’un côté, l’énergie de l’autre. Alors que la lutte contre le changement climatique nous impose de concevoir l’écologie comme un tout indivisible avec des enjeux qui sont tous liés les uns aux autres", explique encore Arnaud Gossement.
Concepcion Alvarez et Marina Fabre-Soundron