Russie : la chasse au gaspillage énergétique dans l'habitat a commencé

Il y a 1 décénie 856

La Russie a décidé de se pencher sérieusement sur l'efficacité énergétique. Vladimir Poutine a évoqué le thème en début d'année, lors de son discours devant l'Assemblée fédérale. C'est dans le secteur du bâtiment résidentiel que les économies d'énergies sont les prometteuses.

C'est désormais officiel : l'efficacité énergétique des bâtiments est une priorité du ministère de la Construction. La tâche s'annonce difficile : la consommation d'énergie est jusqu'à deux fois plus élevée dans les habitations russes qu'en Europe et aux Etats-Unis, dans des conditions climatiques similaires. Un tiers du potentiel d'économies d'énergie du pays, évalué entre 40 et 50 % par Greenpeace Russie, réside dans les logements.

Dans son projet pour une stratégie énergétique, qui doit être remis au gouvernement le 8 mai prochain, le Centre d'Analyse pour le Gouvernement de la Fédération de Russie propose par exemple d'instaurer des garanties publiques pour des prêts destinés à réaliser des économies d'énergie. Il évoque aussi la possibilité de développer des mécanismes d'incitation fiscale. En 2013, l'Etat a investi moins d'1 milliard d'euros dans l'efficacité énergétique. Une goutte d'eau à côté des 80 milliards dépensés dans l'ensemble du secteur de l'énergie.

Le secteur privé moteur de la construction durable

En attendant, la demande privée stimule déjà la construction durable. Loin des immeubles soviétiques composés de panneaux préfabriqués mal isolés, les nouveaux bâtiments consomment deux fois moins que les anciens. « De l'ordre de 70 kWh par m² et par an pour l'électricité », estime Igor Bachmakov, directeur du Centre pour l'efficacité énergétique. « Nous voyons les indicateurs progresser nettement. Mais, pour un changement radical, il faudrait avancer plus vite sur la rénovation du stock existant.»

De plus en plus d'événements professionnels sont organisés pour sensibiliser entreprises et acteurs publics. Particulièrement à la pointe sur l'offre de produits et de services « verts », les sociétés françaises participent à cette action de lobbying, à travers l'Association des entreprises françaises en Russie pour l'efficacité énergétique. « C'est une tendance de fond », affirme son président Gonzague de Pirey, qui occupe aussi le poste de délégué général de Saint-Gobain en Russie. « Par exemple, les commandes de matériaux isolants croissent systématiquement plus vite - de 2 à 6 points - que le marché de la construction lui-même, depuis au moins cinq ans ! ». Fin 2013, le fabricant a inauguré un bâtiment éco-rénové, qui sert également de showroom, pour former les artisans à ses produits. Il propose depuis cette année une certification LEED (Leadership in Energy and Environmental Design) des bâtiments écologiques. Quatre organisations, dont l'Union des architectes de Russie, préparent d'ailleurs leur propre système de certification verte.

Un malus pour les sur-consommateurs

Des progrès sont également visibles au niveau de la consommation d'énergie des ménages. Selon Alexandre Martynov, directeur de l'agence de notation environnementale et énergétique Interfax-ERA, l'efficacité énergétique dans les logements se serait accrue de 15 % depuis 2000. La consommation d'électricité individuelle, de 1 000 kWh par an et par personne, est deux à trois fois moindre qu'en France. Les Russes disposent en moyenne de 23 m²par personne. Ce chiffre est inférieur de 50 % à ceux relevés en Europe occidentale et de plus de 70 % à ceux recensés aux Etats-Unis. Il reste donc peu de place pour des équipements énergivores comme des sèche-linges ou de grands réfrigérateurs.

D'après Greenpeace, les foyers russes pourraient encore réduire facilement de 12% leur facture en s'équipant de lampes LED (lampe à diode électroluminescente). En outre, le gouvernement souhaite instaurer cette année des « normes sociales » de consommation électrique. Les ménages dépassant la limite - a priori les plus aisés - paieraient un tarif supérieur pour les inciter à diminuer leur consommation. Sept régions pilotes ont mené l'expérience depuis septembre 2013. Mais certaines ont fixé une norme très basse, créant mécontentements et polémiques au sein même du parti au pouvoir, qui risquent de compromettre la mise en place de la mesure.

A Moscou, la consommation d'eau a quant à elle diminué d'environ 30% depuis cinq ans. Une réussite alors même que la population de la capitale ne cesse de croître. Une bonne nouvelle puisque l'eau chaude représente environ la moitié de la consommation des systèmes de chauffage. « Cette tendance s'explique par l'installation d'équipements efficients, mais aussi de compteurs individuels qui incitent naturellement les habitants à changer leur comportement, affirme Vladimir Tchouprov, chef du département énergie de Greenpeace Russie. Il faudrait que les utilisateurs finaux puissent contrôler de la même manière le chauffage, le plus gros potentiel d'économies d'énergie aujourd'hui. » La plupart des immeubles sont équipés d'un compteur collectif, avec impossibilité de réguler la chaleur dans les appartements autrement qu'en ... ouvrant les fenêtres !

Lire la Suite de l'Article