Terres rares : L’Afrique, terrain d’une guerre d’influence entre l’Europe et la Chine

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Publié le 18 février 2022

L’Afrique, courtisée notamment pour ses ressources minières nécessaires à la transition énergétique, est le terrain d’une guerre d’influence. Alors que se termine le sommet réunissant l’Union européenne et l’Union africaine à Bruxelles, la domination de l’influence chinoise, devenue un partenaire commercial d’envergure, inquiète les Occidentaux. Enjeu pour l’Europe : devenir un partenaire de l’Afrique qui, pour le président rwandais Paul Kagame, "n'est le prix à gagner ou à perdre pour personne".

C’est un sommet au plus haut niveau qui ne se déroule pas sous les meilleurs auspices. Reporté de deux ans en raison du Covid-19, marqué par le retrait des troupes françaises au Mali et l’arrivée du groupe paramilitaire russe Wagner dans la zone, le sixième sommet entre l’Union européenne et l’Union africaine doit "refonder un partenariat privilégié", stipule la France, ancienne puissance coloniale qui a pris la tête de la Présidence tournante du Conseil de l’Union européenne en janvier. "Nous devons réinventer la relation", reconnaît Emmanuel Macron.

En toile de fond, se joue surtout une guerre d'influence entre les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et l’Afrique du Sud), les États-Unis et l’Union européenne. Pékin est devenu au fil des années un partenaire de choix pour l’Afrique. Si l’UE reste encore le premier partenaire commercial du continent africain, en 20 ans, la Chine s’est imposée comme le principal fournisseur de marchandises pour plus de 30 nations africaines, calcule Statista, ainsi que le premier investisseur étranger en Afrique. Depuis 2013, Xi Jinping a d’ailleurs lancé le pharaonique projet des nouvelles routes de la soie, avec lesquelles Pékin inonde de financement les pays émergents, en particulier l’Afrique, pour construire de nouvelles infrastructures.

Dépendance aux terres rares

Bruxelles tente de riposter. En décembre dernier, Ursula von der Leyen a dévoilé le projet Global Gateway, qui doit mobiliser 300 milliards d’euros de financements publics et privés dans les pays émergents pour développer des infrastructures. La stratégie consiste surtout à faciliter l’exploitation de grandes réserves de terres rares très peu exploitées détenues par plusieurs États comme le Burundi, le Gabon ou encore la Tanzanie. L'Europe tente ainsi d'échapper à sa dépendance de la Chine sur ces terres rares et d’accéder à des ressources minières indispensables à la transition énergétique comme le cobalt, le cuivre, lithium… Problème : la Chine, elle, est déjà là.

"La Chine suit une méthode connue d’accès aux ressources en échange de la construction d'infrastructures", explique Guillaume Pitron, journaliste et auteur de "La guerre des métaux rares ". Il ajoute : "Pékin souhaite avant tout la matière brute et non transformée comme le cobalt. Un enjeu pour l’Afrique est de développer une économie de la transformation des minerais ce qui en ferait un facteur de croissance inclusive".

"L’Afrique n’est le prix à gagner ou à perdre pour personne"

Pour l’instant, l’exploitation des ressources africaines a amené ce que les ONG appellent la "malédiction des ressources naturelles", c’est-à-dire que leur exploitation est faite par d’autres et produit de la richesse qui ne reste pas sur le continent. L’enrichissement des populations locales est un problème central pour l’ancien président de l’Assemblée nationale de la République démocratique du Congo, Olivier Kamitatu. Il prend pour exemple la RDC, le Mozambique, le Tchad, le Mali ou encore le Niger qui regorgent de ressources naturelles mais qui sont en incapacité de délivrer à leur population un minimum de services sociaux de base.

C’est sur ce sujet que l’Europe peut montrer sa différence avec la Chine. "Les autorités doivent favoriser la création de la valeur ajoutée, en imposant un pourcentage de traitement des minerais bruts et de transformation dans le pays d’origine. Elles doivent aussi améliorer la formation. C’est un passage nécessaire et indispensable pour réussir la transition démographique. Il ne peut être indéfiniment question pour le Sud de vendre ses matières premières en échange de biens manufacturés", écrit-il dans une tribune.

Une position partagée par le président rwandais Paul Kagame qui déclarait en 2019 : "L’Afrique n’est le prix à gagner ou à perdre pour personne. Il est de notre responsabilité, en tant qu’Africains, de prendre en charge nos propres intérêts et de développer notre continent à son plein potentiel".

 Marina Fabre Soundron @fabre_marina

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