Transition énergétique : le tiers financement prendra-t-il son essor en France ?

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Publié le 25 septembre 2014

Le principe est incitatif : un organisme tiers avance les frais d’expertise, de diagnostic thermique et réalise les travaux de rénovation énergétique d’un bâtiment. Une fois l’opération terminée, le bénéficiaire des travaux rembourse le tiers grâce aux économies d’énergies réalisées. Plusieurs structures régionales dédiées au tiers financement ont vu le jour en France. Leurs projets relèvent encore de l’expérimentation. Le mécanisme séduit, mais parviendra-t-il à se développer dans l’Hexagone ? Les difficultés restent nombreuses. Notamment la réticence des banques commerciales à accorder leur soutien à certains projets et leur refus de renoncer à leur monopole.

Lors de leur assemblée générale, les copropriétaires d’un immeuble parisien construit au début du XXe siècle sont tombés d’accord. Ils vont procéder à la rénovation énergétique de leur bien. Pour les aider dans leur projet, ils choisissent de faire appel à la SEM Énergies POSIT’IF, créée en janvier 2013 par la Région Île-de-France. Cette Société d’économie mixte accompagne, via un mécanisme de tiers financement, les projets de ce type menés par des copropriétés.

Comment fonctionne ce mécanisme ? L’objectif est de financer le coût des travaux par les économies d’énergie générées. Un tiers financeur réalise les investissements. Le bénéficiaire du projet de rénovation énergétique le rembourse par la suite en lui versant chaque mois un montant compensé, au moins pour partie, par la baisse de sa facture d’énergie.

Dans le meilleur des cas, il ne débourse rien ! Le mécanisme a aussi l’avantage de la simplicité : une structure comme la SEM Énergies POSIT’IF propose un "package" associant offre technique et offre financière. Autre intérêt de taille, compte tenu de l’état actuel des finances publiques : le dispositif ne repose pas sur un système de subventions. 

Les premiers projets portés par les Régions

Outre Énergies POSIT’IF, d’autres structures régionales dédiées au tiers financement sont nées ces deux dernières années. La SPL (société publique locale) OSER a été créée en décembre 2012 par la Région Rhône-Alpes; la régie régionale du Service public de l’efficacité énergétique (SPEE), en septembre 2013, par la Région Picardie. En juillet 2014, le Conseil régional Poitou-Charentes a approuvé la création d’une Agence régionale pour les travaux d’économie d’énergie (ARTEE). La Région Nord-Pas-de-Calais devrait créer une SEM d’ici à la fin de l’année et plusieurs autres régions s’intéressent aussi de près au mécanisme.

Où les structures régionales en sont-elles dans leurs projets ? Énergies POSIT’IF a "déjà signé six opérations couvrant au total 1 250logements", explique Julien Berthier, directeur technique d’Énergies POSIT’IF. Le volume de tiers financement pourrait représenter jusqu’à un tiers environ du coût total de ces opérations. Le reste de la somme sera couvert par des subventions et prêts bancaires.

La SPL OSER vise une autre cible: les bâtiments publics des collectivités qui en sont actionnaires. "Nous avons engagé plusieurs projets, les premiers travaux devant débuter en mai 2015", indique Philippe Truchy, le directeur général de la société. Objectif : engager l’an prochain des travaux représentant des coûts d’opération d’un peu plus de 30 M€. La SPL OSER va chercher des financements auprès des banques commerciales et, surtout, de la Caisse des Dépôts (CDC, dont Novethic est une filiale).

Quant à la régie picarde du SPEE, elle intervient auprès des particuliers ou des copropriétés. Elle a signé 11 contrats de service public à ce jour et vise 2 000 opérations en trois ans, souligne son directeur, Vincent Pibouleu. Le but est que le mécanisme de tiers financement accompagne 90% de ces dossiers.

Des prêts parfois difficiles à obtenir et sans conditions préférentielles

Mais les difficultés restent nombreuses. Bien souvent, les économies d’énergie ne peuvent financer qu’une partie des travaux de rénovation. "Pour un quart à une moitié", dans le cas des projets visés par la SPL OSER, précise Philippe Truchy. Pour ce qui est du modèle d’Énergies POSIT’IF, il ne fonctionne qu’avec des projets offrant d’importants gisements d’économies d’énergie (40 à 60%).  

Autre frein : "nous ciblons des ménages aux revenus moyens à modestes n’ayant pas accès à des financements à taux attractifs: c’est pour ça qu’on est là ! Mais du coup, les banques de réseaux ne semblent pas prêtes à nous financer", regrette Vincent Pibouleu. Et ce, alors que les besoins sont importants. "Nous avons reçu une dotation de 8 M€ du Conseil régional et recherchons un financement complémentaire. Nous avons déposé une demande de prêt auprès d’organismes institutionnels de financement français et européens: pour financer nos 2 000 opérations, il nous faut 47 M€", précise le directeur de la régie picarde. Et quand les banques commerciales acceptent d’octroyer des prêts, elles le font malheureusement sans accorder de conditions préférentielles.

La loi peut-elle régler l’épineuse question du monopole bancaire ?

Le monde bancaire considère que le tiers financement contrevient à son monopole sur le crédit. Les structures dédiées à ce mécanisme seront-elles autorisées à déroger à ce monopole ? La loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte devra le préciser. Pour l’heure, le projet de loi donne raison au monde bancaire.

Or devoir travailler avec un établissement financier fait intervenir un acteur supplémentaire dans le dispositif et, donc, augmente les coûts, plaide Julien Berthier, d’Énergies POSIT’IF. Les initiatives régionales de tiers financement "relèvent encore de l’expérimentation. Laissons aux territoires la capacité de tester, d’innover", poursuit-il. D’autant que les banques n’accepteront les projets que "d’une petite partie de la population, la plus aisée, sans prendre de risques", estime Vincent Pibouleu. À ses yeux, "l’article de loi tel qu’il est prévu aujourd’hui bloque toute expérimentation".

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