Publié le 16 septembre 2021
La Commission européenne a amoché la filière nucléaire française en décidant d’exclure le financement de l’électricité électronucléaire de son obligation verte (Green Bond) de 750 milliards d’euros. Un scandale pour le gouvernement français, d’autant plus que le gaz, lui, y a le droit. La diplomatie française se met donc en ordre de contre-attaque au moment où Paris va prendre la Présidence européenne et qu’Angela Merkel, fervente antinucléaire, va quitter le pouvoir.
Une nouvelle fois, le ministre de l’économie Bruno le Maire est allé à la rencontre de ses pairs européens avec le dossier nucléaire sous le bras. Vendredi 10 septembre dernier, lors d’une réunion de l’Union européenne, il a exhorté nos voisins à compter sur le nucléaire pour atteindre les objectifs climatiques du continent. "Soit, nous luttons contre le changement climatique avec une approche idéologique et nous échouerons, soit nous luttons contre le changement climatique avec une approche scientifique et dans ce cas nous réussirons. Mais cela signifie reconnaître la valeur ajoutée de l'énergie nucléaire", a-t-il lancé.
Une déclaration qui ne sort pas de nulle part. Elle intervient alors que l’Union européenne vient d’émettre une obligation verte de 750 milliards d’euros, dont le nucléaire est exclu. Johannes Hahn, le commissaire au Budget, a été clair : cet argent "ne pourra en aucune manière financer des investissements dans le nucléaire". En revanche, il précise que le gaz pourra en bénéficier "sous certaines conditions pour fournir une solution de transition dans la production d’énergie".
Le sang des diplomates français n’a fait qu’un tour en voyant le méthane accepté. Un mauvais signal alors qu’au même moment la guerre franco-allemande continue de faire rage sur la taxonomie des activités vertes. Il s’agit d’un classement des activités qui participent favorablement à la protection du climat. Les Français veulent y inclure l’atome, l’Allemagne le gaz (considéré comme une énergie de transition). Pour l’instant, la Commission ne tranche pas mettant ces deux énergies de côté.
Double opportunité
Mais pour Paris, deux fenêtres d’opportunités vont s’ouvrir pour faire peser la balance. D’une part, en janvier prochain, la France prendra la présidence de l’Union européenne pour six mois. D’autre part, les élections fédérales du 26 septembre prochain vont amener au départ d’Angela Merkel. La chancelière allemande avait adopté des positions fermement anti-nucléaires depuis 2011 et l’accident de Fukushima. Même si son successeur ne sera pas beaucoup plus favorable à l’atome, il lui faudra du temps pour reprendre le poids de la dirigeante.
Dans une tribune aux Echos, Bernard Accoyer, ancien Président de l’Assemblée nationale, et fondateur de l'association Patrimoine nucléaire et climat (PNC-France) et Michel Simon le secrétaire général, ne mâchent pas leurs mots. Ils résument le message porté par la France : "L'obsession antinucléaire de la Commission européenne et de certains pays ne doit pas anéantir les espoirs de maîtriser les émissions de gaz à effet de serre. Il serait temps que la Commission européenne mette ses actes en cohérence avec les objectifs de l'Union pour le climat".
En mars dernier, c'est Emmanuel Macron qui cosignait une lettre adressée à la commission européenne au côté de six autres dirigeants européens, dont Victor Orban, Premier ministre de la Hongrie, et Mateusz Morawiecki, Premier ministre de la Pologne. Il s’agit "d’un appel d'urgence pour assurer des règles du jeu équitables pour l'énergie nucléaire dans l'UE, sans l'exclure des politiques et des avantages climatiques et énergétiques", indique le texte.
Ludovic Dupin, @LudovicDupin