Au Niger, la tension se poursuit quelques jours après le coup d'État militaire du 26 juillet. Sur place, le groupe français Orano (ex-Areva), spécialiste du nucléaire, exploite encore une mine d'uranium et compte quelque 900 salariés. Pour l'instant, le Français assure poursuivre ses activités, mais jusqu'à quand ? Mis en examen pour avoir sous-estimé le risque terroriste lors de l'enlèvement de cinq de ses salariés en 2010, Orano va devoir se positionner.
La tension se poursuit au Niger, après le coup d’État du 26 juillet. Les militaires nigériens ayant renversé le président élu, Mohamed Bazoum, ont accusé lundi 31 juillet la France de "vouloir intervenir militairement". Sur place, on dénombre 500 à 600 ressortissants français actuellement présents. "Ils ont été tous contactés, des mesures de précaution sont prises" et "elles seront renforcées si c'était nécessaire, mais il n'y a pas de décision d'évacuation au moment où je vous parle", a précisé dimanche sur RTL la ministre des Affaires étrangères Catherine Colonna.
Sur le plan économique, Orano (ex-Areva) est l’une des très rares entreprises françaises à être présente au Niger. Implantée depuis 50 ans dans le nord du pays, le groupe français minier assure suivre "heure par heure" la situation de ses mines. "Le maintien de la sécurité est notre priorité : à ce titre, le groupe a mis en place une vigilance particulière afin d’assurer la sécurité de ses collaborateurs et activités. À ce jour, les activités sur les sites opérationnels d’Arlit et au siège à Niamey se poursuivent avec une organisation adaptée dans le cadre du couvre-feu établi sur l’ensemble du territoire nigérien" précise-t-il dans un point de situation.
Une seule mine en activité
Orano, spécialisée dans le cycle du combustible nucléaire, emploie 900 salariés au Niger, essentiellement des personnels locaux, répartis entre Niamey et Arlit. Ces deux sites accueillent "une petite dizaine d'expatriés et de missionnaires en permanence". Le groupe français y détient trois mines mais une seule est en activité, la Somaïr (Société des mines de l'Aïr). Elle devrait être exploitée jusqu’à épuisement des ressources d'ici à 2040, selon un accord signé en mai dernier avec les autorités locales, deux mois avant le putsch. La Compagnie des mines d'Akokan (Cominak), dont les réserves sont d’ores et déjà épuisées, fait l'objet d'un vaste projet de réaménagement, après avoir fermé en 2021.
Reste un dernier site à Imouramen, l’un des plus grands gisements d’uranium au monde avec des réserves estimées à 200 000 tonnes. En mai dernier, le groupe avait repoussé à 2028 sa prise de décision pour l’exploitation de "la mine du siècle". Les travaux pour la mise en production du site ont été suspendus et le site a été mis "sous cocon" en 2015, après l’accident de Fukushima, dans l’attente de conditions de marché plus favorables. Orano explore notamment de nouvelles méthodes d’extraction par pompage permettant de réduire les coûts mais aussi les conséquences environnementales.
Un risque d’approvisionnement ?
Les derniers événements vont-ils changer la donne ? Rien n’est moins sûr. En 2010, le groupe avait dû affronter l’enlèvement par Al-Qaida au Maghreb islamique (Aqmi) de cinq de ses salariés, sans remettre en cause sa présence sur place. Le géant français du nucléaire a d’ailleurs été mis en examen dans cette affaire en 2022 pour avoir sous-évalué le risque d'attaques terroristes et le manque de mesures de sécurité adaptées. Le 12 mai dernier, Orano avait aussi dû évacuer des expatriés vers la capitale Niamey après avoir reçu une alerte sécuritaire.
Le nord du Niger est classé "rouge" par le Quai d’Orsay depuis 2020 en raison justement du risque terroriste et la région était déjà sous "haute-vigilance". Pourtant, dans le dernier plan de vigilance d'Orano, il n’est toujours pas fait mention de ce risque. Le document indique sommairement qu'"Orano pourrait être exposé à des risques d’atteintes au respect des droits humains et des libertés fondamentales (...) notamment dans certaines régions proches de zones de conflit ou de zones dans lesquelles les droits de l’homme ne sont pas respectés".
Le groupe a toutefois commencé à diversifier ses mines d’uranium au Kazakhstan et au Canada ces dernières années. Alors que sur la période 2005-2020, le Niger a été le troisième fournisseur d'uranium à la France, contribuant pour 19% de ses approvisionnements, derrière le Kazakhstan et l'Australie, le Niger fournit désormais 10 à 15% des besoins en uranium français. Pour ce minerai, le Niger "n'est plus le partenaire stratégique de Paris comme il a pu l'être dans les années 1960-70", a commenté à l'AFP Alain Antil, directeur du centre Afrique subsaharienne à l'Institut français des relations internationales (IFRI). À ce stade, "la crise actuelle n’a aucune incidence de court terme sur les capacités de livraison d’Orano à la France" confirme à Novethic Orano.
Concepcion Alvarez avec AFP